Séminaire « Sciences sociales et psychanalyse » – « Le massacre de la Saint-Barthélémy, une tuerie du désir ? »

Le massacre de la Saint-Barthélémy, une tuerie du désir ?

Denis Crouzet Professeur d’histoire émérite Université Paris-Sorbonne

"De la France du XVIe siècle au Moyen Orient d’aujourd’hui, certaines similitudes peuvent surgir sous le regard de l’historien. Les contemporains des guerres de Religion eurent en effet la conscience effrayée d’assister à des déchaînements de violences qu’ils qualifièrent d’« inouïes », de « barbares », d’« inhumaines » parce qu’elles s’attachaient à mutiler, brûler, marquer atrocement les corps, jusqu’au paroxysme d’un crime de masse parisien en août-septembre 1572. Un théâtre de la « cruauté » enseignait la puissance d’un Dieu de colère refusant toute présence parmi Son peuple de fidèles d’un autre Dieu. et la violence unissait les gestes assassins à un désir de Dieu ne tolérant pas qu'un autre Dieu soit honoré. Et aujourd’hui, force est de constater que le radicalisme islamique donne lieu en Occident à une perception tout aussi effrayée qui occulte parfois le fonctionnement d‘une raison alternative de la rationalité occidentale moderne, une raison de Dieu que le désir des hommes cherchent à rencontrer pour accéder à un désangoissement eschatologique. Se pose donc la question suivante : les guerres pour Dieu de jadis et maintenant ne répondraient-elles pas à une sotériologie nécessitant la cruauté parce qu’elles se veulent des guerres de Dieu, agies pour Dieu et par Dieu à travers le don sacrificiel de soi qu’est l’engagement à lutter contre ce qui est censé être le mal, les puissances du diable fantasmées comme suractivées désormais parce que la fin des temps serait proche ? Les corps de l’ennemi de Dieu ne seraient-ils pas des messages glorifiant la Toute-puissance divine, des pédagogies de la gloire de Dieu, un théâtre de la cruauté qui est aussi une propédeutique de l’absolue Transcendance divine et de l’obligation de soumission totale de l’humain au désir divin?"