Les pratiques alimentaires mongoles

Le 16 novembre 2016, dans le cadre du premier atelier CEMS-GSRL, Sandrine Ruhlmann présentera son ouvrage :
L’appel du bonheur. Le partage alimentaire mongol (CEMS-EPHE, Nord-Asie)
sorti en librairie en février 2016. Cet ouvrage présente une étude des notions de partage alimentaire et d’hospitalité à partir de l’exemple mongol. Sur la base d’une étude des techniques d’appropriation, préparation, distribution et consommation des aliments, sont analysées les modalités du partage alimentaire, qui constitue le fil rouge de l’ouvrage. Le partage alimentaire est restreint et fermé sur les membres du foyer domestique au quotidien, élargi et ouvert à un petit réseau de visiteurs réguliers en situation d’hospitalité [partie 1]. Il est étendu et ouvert à un large réseau de visiteurs en situation de fête (naissance) et de revers de fête (mort) ; enfin, il est généralisé et ouvert au plus vaste réseau de visiteurs en situation de fête cyclique célébrant le renouveau (Nouvel An) [partie 2]. Le partage alimentaire prend sa source dans les techniques de découpe, en l’occurrence de découpe de la viande, l’élément fondamental du repas mongol. Dans la chaîne opératoire de la viande, la découpe consiste en des techniques d’abattage, de débitage des « parts » (rattachées à l’os) et de découpe des « morceaux » (détachés de l’os), enfin de cuisson, de distribution et de consommation (des parts ou des morceaux). Le partage confère aux aliments (et pas uniquement à la viande) d’autres qualités que nutritives, sur le principe d’une dialectique métaphysique. Ainsi, selon qu’elle est du « dessus » ou du « dessous », fermée ou ouverte, noire ou blanche, cuite ou crue, et selon les exigences du rituel, la nourriture est offerte à des êtres humains vivants ou à différentes entités spirituelles (âmes de morts à renaître, âmes errantes de morts, mânes d’ancêtres, esprits-maîtres de la nature, divinités bouddhiques). L’objectif du partage de nourriture spécifique consiste à « attirer (à soi) » le bonheur ou à « réparer » des malheurs pour favoriser la bonne renaissance des âmes de morts. L’analyse des pratiques alimentaires fait ressortir comment trois systèmes idéologiques — celui légué par le régime communiste athée, le bouddhisme déclaré aujourd’hui religion officielle et un chamanisme réinterprété — cohabitent aujourd’hui dans les esprits, après des périodes d’affrontements et de persécutions. À travers les pratiques alimentaires, restituées sous forme de descriptions analytiques, de dessins, de photographies et d’anecdotes, c’est toute une façon de penser et de vivre qui se révèle. Je vous montrerai comment à partir d’une observation participante des techniques et de la culture matérielle, je mets en évidence le système alimentaire d’une société. Manger est bien plus que se nourrir, et pour les Mongols cela repose sur une conception du partage qui structure l’organisation sociale de la société. En famille ou avec des visiteurs, au quotidien ou lors d’événements, le partage de nourritures garantit, par un jeu d’« ouverture » et de « fermeture », le bon ordre des relations sociales, du déroulement des saisons et du cycle de la vie humaine. Il attire le « bonheur » sur les humains et leurs troupeaux.   Sandrine Ruhlmann CNRS – UMR 8173 Chine, Corée, Japon sandrine_ruhlmann@yahoo.fr
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