Dominique Avon : « L’engagement politique des Frères musulmans et des salafistes en Égypte »

La 3e séance du séminaire « Partis politiques musulmans : un vecteur de sécularisation ? » de l’Axe « Islam : doctrines, sociétés, politiques » du GSRL aura lieu le mardi 14 janvier 2025, de 14h00 à 16h00, au Bâtiment Recherche Nord du campus Condorcet, 14 cours des Humanités, 93300 Aubervilliers (métro Front populaire), en salle 5.001 — et en ligne via le lien : https://cnrs.zoom.us/j/91387676058?pwd=8owhNIg3d6H7lptqOfYvkIfo2DGaqo.1 (code d’accès : M3XQ7A). Les personnes souhaitant assister au séminaire sur site mais ne disposant pas d’un badge du campus sont invitées à demander un passe à la réception.

Nous y recevrons :

Dominique AVON (EPHE-PSL/GSRL), qui interviendra sur le thème :

L’engagement politique des Frères musulmans et des salafistes en Égypte

En 1939, à l’occasion du 5e Congrès des Frères musulmans, soit un peu plus d’une décennie après leur fondation, Hasan al-Banna met en garde les membres du mouvement contre les partis politiques. C’est, affirme-t-il, un système néfaste car il divise les musulmans et il ébranle le pouvoir des gouvernants : « L’islam le rejette et l’interdit de la manière la plus intransigeante. » Il se situe alors sur une ligne identique à celle des salafistes qu’il a fréquentés au milieu des années 1920. Toutefois, le fondateur des Frères musulmans révise sa position au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en acceptant de participer aux élections. Les salafistes égyptiens, à tout le moins une partie d’entre eux, restent à l’extérieur du système politique partisan jusqu’en 2011. L’intervention visera à montrer que cette acceptation des règles du jeu électoral est, effectivement, le signe d’une forme de sécularisation. Elle est, pour les Frères musulmans, presque concomitante de l’emploi d’une expression inédite, celle d’al-dawla al-islâmiyya [« État islamique »], qui implique la sortie du cadre impérial, aux frontières non limitées, laquelle a prévalu pendant treize siècles.

Cette acceptation, cependant, est simultanément, le point de départ d’une islamisation ou de réislamisation par l’intérieur du nizâm [« régime »], en s’appuyant sur le suffrage des forces populaires. En effet, Frères musulmans et salafistes s’attachent à ne faire du système des partis qu’un moyen au service d’une cause supérieure, à savoir l’application d’al-ahkâm al-islâmiyya [« les prescriptions islamiques »]. Ils concentrent leurs efforts dans trois domaines qui permettent d’apprécier la mise en œuvre du principe d’ « ordonnance du bien et de pourchas du mal » : les « peines » considérées comme non abrogeables car attribuées à la parole divine ; les droits relatifs aux femmes ; la culture et l’éducation. Ils trouvent un écho important parmi les hommes de religion (certains font d’ailleurs partie de leurs rangs), même si les gardiens d’al-Azhar, dont la plupart entretiennent des liens avec les dirigeants politiques du pays, n’entendent pas subordonner l’institution à un mouvement particulier. Ils s’opposent en revanche aux musulmans libéraux, qui acceptent le cadre de l’État-nation comme seule forme possible de cohabitation à l’échelle de l’humanité et la sécularisation du droit comme le seul processus possible permettant de garantir les libertés individuelles et l’égalité des personnes (non des communautés).

Au plaisir de vous retrouver à cette occasion,

Stéphane Dudoignon

Programme annuel du séminaire : https://gsrl-cnrs.fr/seminaire-les-partis-politiques-musulmans-un-vecteur-de-secularisation/