Avis de Soutenance
Madame Claire VIENNET
Sociologie
Soutiendra publiquement ses travaux de thèse intitulés
Le pied dans le placard : Liminalités des identités LGBT+ dans l’Église catholique en France
dirigés par Madame Séverine MATHIEU
Soutenance prévue le mardi 14 octobre 2025 à 14h00
Lieu - EPHE - Maison de l'Homme au 54 boulevard Raspail 75006 Paris - Salle 1
Composition du jury
Mme Séverine MATHIEU – EPHE-PSL – Directrice de thèse
Mme Pascale MOLINIER – Université Paris 13 - Rapporteure
M. Éric FASSIN – Université Paris 8 - Rapporteur
Mme Céline BÉRAUD – EHESS – Examinatrice
M. Denis PELLETIER - EPHE-PSL – Examinateur
Résumé
Cette thèse s’intéresse aux conditions de visibilité des personnes LGBT+ dans l’Église catholique en France. L’enjeu est de comprendre comment ces identités se trouvent ni pleinement incluses ni pleinement exclues des espaces ecclésiaux, en mobilisant la notion de liminalité. En croisant la sociologie des religions avec les études de genre et de sexualité, l’enquête repose sur une méthodologie qualitative et l’exploration de trois terrains distincts : des paroisses parisiennes, des collectifs de croyants LGBT+, ainsi qu’un terrain dématérialisé via le réseau social Instagram. Outre des observations participantes, l’étude s’appuie sur des entretiens avec des prêtres, des acteurs associatifs et des personnes concernées, afin de saisir les expériences vécues, les normes mobilisées et les représentations en circulation autour de ces identités dans l’institution catholique. L’analyse met en évidence que, dans les paroisses et chez les prêtres, le niveau de participation de ces identités résulte d’une combinaison de facteurs instables, contingents et difficilement prévisibles. La question de la visibilité — notamment celle des couples de même sexe — y joue un rôle central, dans la mesure où elle est généralement amalgamée à une forme de reconnaissance. Du côté des personnes concernées, la liminalité se joue d’abord au niveau de la subjectivité. Le processus de coming in — devenir visible à soi — constitue un travail d’intégration intérieure allant du chaos identitaire à une remise de sens. L’appartenance à une communauté croyante socialement favorisée semble être un facteur facilitateur et l’un des meilleurs prédicteurs dans les trajectoires d’affiliation ou de désaffiliation au catholicisme. Cependant, la sortie de cette liminalité intérieure ne signifie pas sa disparition dans les espaces relationnels. Elle demeure souvent à l’œuvre dans les paroisses et les familles, où elle se traduit par un ensemble de stratégies, de marges de manœuvre, de négociations et de calculs en perpétuel ajustement. C’est dans cet entre-deux mouvant que s’installent silences, actes d’énonciation de soi et formes discrètes de « laisser voir » ou de « ne pas s’en cacher ». Une meilleure inclusion semble passer par la reconnaissance du couple de même sexe stable et fidèle, portée par certains groupes. Cette redéfinition de la présence de l’homosexualité peut toutefois exclure d’autres identités ou formes relationnelles. Ces groupes, bien qu’aidant à concilier foi et orientation sexuelle, présentent ainsi certaines limites
structurelles, inévitables. Cette thèse contribue également à éclairer les formes de condamnation et d’exclusion discrète portées par les mouvements conservateurs, dans un contexte avancé de l’inversion de la question homosexuelle. Inscrite dans un discours plus large sur la « bonne sexualité », l’homosexualité y occupe de nouveau une position liminale, érigée en contre-modèle implicite. Quelques mentions compassionnelles sécularisées et psychologisantes suffisent à rappeler la prescription principale : s’abstenir de passer à l’acte. Le ton et la forme de ces discours tendent ainsi à sortir des représentations communes de l’exclusion comme phénomène spectaculaire et visible. Cette recherche invite donc à repenser le positionnement des personnes LGBT+ dans l’Église catholique, le Mariage pour tous ayant constitué un déclencheur de nouveaux questionnements et pratiques pastorales, entre exclusion discrète, tolérance conditionnelle et travail d’inclusion.