Résumés des séminaires des Études mongoles 2023-24

Le séminaire des études mongoles est créé en 2023; il faisait précédemment partie du "Séminaire des études mongoles et sibériennes"). Le séminaire est validable par les étudiants de l’EPHE, dans le cadre du master « études asiatiques »

Programme

Séance extraordinaire : jeudi 30 novembre 2023, de 14-16h, Maison des Sciences de l’Homme, salle 5 (54 bd Raspail, 75006 Paris – salle de cours de l'EPHE, niveau -1) : Uranchimeg Tsultem (Edgar and Dorothy Fehnel Chair in International Studies, IU Herron School of Art + Design, IUPUI) « Mongol Zurag and Invention of New Tradition in Mongolian art » "The era of post WWII Mongolia brought socialist eradication of the remnants and memories of Mongolian traditions. A new generation of “professional artists” educated in USSR returned in 1951 eager to propagate their knowledge of oil painting on canvas through new system of exhibitions and Soviet-style education. A non-governmental, all artists inclusive Union of Mongolian Artists was established, and its leader, an artist Nyam-Osoryn Tsultem (1924-2001) became increasingly concerned with complete destruction of Mongol culture. This presentation examines efforts of artists, including Tsultem, to circumvent the limitations of the socialist regime and establish a culture that is reflective of Mongol identity. The talk will focus on a new tradition termed “Mongol Zurag” that was aimed to define a new Mongolian painting style. Similar to invention of guohua in China and nihonga in Japan as a reaction to the Western art brought into these countries decades earlier, the Mongol Zurag, as Eric Hobsbawm would have put, “…[sought] to inculcate certain values and norms….[to imply] continuity with the past.” This presentation will discuss the emergence and the further development of Mongol Zurag paintings in the past century and in the present millennium based on several cases of Mongolian artists."   Mardi 9 janvier : Isabelle Charleux séminaire sur « Lieux saints et culture matérielle en Mongolie bouddhique, XVIe-XXe siècle » : « La circumambulation des lieux saints »   Mardi 23 janvier : Isabelle Charleux séminaire sur « Lieux saints et culture matérielle en Mongolie bouddhique, XVIe-XXe siècle » : « Image et lieux saints bouddhiques »   Mardi 6 février : Isabelle Charleux séminaire sur « Lieux saints et culture matérielle en Mongolie bouddhique, XVIe-XXe siècle » : « Saints et pèlerinages : Zanabazar et Gengis Khan »   Mardi 27 février  Pôle des Langues et Civilisations de l’Inalco, 65 rue des Grands Moulins : séminaire commun avec le séminaire Anthrop’O de l’Inalco – Charlotte Marchina et Jim Jourdane « Vulgariser l’anthropologie de la Mongolie en BD : de la thèse aux planches »   Mardi 12 mars : Gaëlle Lacaze (Paris-Sorbonne) et Mathieu Molet (IEES, Sorbonne-Université) « Les capacités d’adaptation et de résistance des éleveurs du Gobi face au changement climatique » "Lacaze, P.R. en ethnologie, et M. Mollet, P.R. en écologie à la faculté des sciences et ingénierie, tous les deux issus de Sorbonne université, avons entrepris une recherche trans-disciplinaire. Commencée en 2018, cette étude comprend la réalisation d’un Master en géographie sociale et culturelle à Sorbonne université, basé sur un mémoire portant sur la « Résilience face au changement environnemental des pasteurs nomades du désert de Gobi » (2018b-2020). Écrit par H. Borujigin, ce mémoire se fonde sur l’analyse quantitative et multivariée de données démographiques, climatiques et pastorales dans six provinces du désert de Gobi et à Ulaanbaatar. Nous avons alors rassemblé des données démographiques, pastorales et climatiques entre 1995 et 2015, c’est-à-dire cinq ans avant les zudde 1999-2001 et cinq ans après ceux de 2009-2010. Le recueil statistique vise à mettre en évidence l’incidence des zudsur les stratégies familiales en fonction de la taille des troupeaux. Il s’est ensuite enrichi d’une enquête de terrain que j’ai effectuée en mai-juin 2022 (CNRS-PEPS). Lors de cette recherche, j’ai passé 29 jours dans le désert de Gobi. J’ai voyagé dans les 3 provinces centrales de la région (Gobi-Moyen, Gobi-Sud et Baânhongor), soit deux provinces de moins que dans l’analyse quantitative livrée par H. Borujigin. J’ai parcouru 4500 km, dont 90 % sur des pistes et 10 % sur des routes asphaltées. À l’aide d’un jeu sérieux (serious game), j’ai réalisé plus de 80 entretiens. Nous présenterons les résultats de cette rechercher qui vise à évaluer les stratégies d’adaptation et de résilience des éleveurs nomade face aux changements environnementaux."   Mardi 23 avril : Ksenia Pimenova (Université Paris Nanterre) « Reliques bouddhiques dans le musée national de Touva : découverte, contextualisation, pratiques rituelles » "Mon intervention portera sur la découverte récente de reliques sacrées à l’intérieur de la statue du Bouddha Shakyamuni, conservée au Musée national de la République de Touva (Sibérie, Russie). Après avoir brièvement restitué la trajectoire de ces reliques, je me focaliserai sur leur contextualisation muséographique qui a permis aux conservateurs de les « mettre au travail » et de construire une atmosphère de religiosité et de dévotion. Enfin, j’analyserai ce musée comme une institution hybride qui inscrit le patrimoine dans la géographie sacrée du bouddhisme, interrogeant ainsi les catégories du patrimoine, du séculier et du religieux."   Mardi 7 mai : Raphaël Blanchier (Université Clermont Auvergne) « Le chorégraphe et le chercheur : créativités collaboratives dans le milieu chorégraphique mongol (xxe-xxie siècles). » "En Mongolie, chorégraphier une danse mongole (mongol büjig) suppose d’étudier, de faire des recherches (sudlaga hiih, sudlah). Si certain-es chorégraphes assument eux-mêmes cette activité sur le terrain ou s’inspirant de recherches académiques publiées, d’autres collaborent avec des chercheurs universitaires qu’ils soient linguistes, archéologues, ou ethnographes-anthropologues. Ma recherche actuelle sur la créativité chorégraphique m’a conduit à interroger ces collaborations entre chorégraphe et chercheur à un double titre. D’abord, elle permet d’éclairer, dans la création chorégraphique aujourd’hui, l’articulation entre mongolité (identité locale) et globalisation (insertion dans des réseaux artistiques cosmopolites, mais aussi circulation de normes esthétiques globalisées parfois dites « modernes »). Cet enjeu s’inscrit dans un contexte géopolitique où la Mongolie fait appel à des stratégies de visibilité culturelle internationale, voire à une « diplomatie culturelle » (Baatarnaran), comme nation, indépendante et moderne, dans le concert des nations. En second lieu, cette thématique interroge la répartition, complémentarité ou hiérarchie des savoirs-pouvoirs entre chercheurs et chorégraphes, en envisageant la créativité comme processus interactif. Les deux aspects sont, chacun à leur échelle, étroitement interdépendants. Ces enjeux ne sont pas vraiment nouveaux pour la Mongolie. Dès les années 1940, on peut documenter la collaboration entre chercheurs et chorégraphes dans la mise en place de ce qui deviendra la « danse mongole ». Au prisme d’une anthropo-histoire qui balaye des exemples de ce type durant le XXe et XXIe siècle, on interrogera les modalités de collaboration créative entre chercheurs et chorégraphes ainsi que leur évolution, et ce qu’elles nous disent de la façon dont la danse mongole contribue à forger des identités collectives mongoles contemporaines. Cet exemple permettra sans doute en retour d’interroger les collaborations entre chercheurs (académiques) et chorégraphes qui émergent en contexte français et européens, sous d’autres formes."   Mardi 21 mai : Benedetta De Bonis (Marie Curie) « De l’histoire au mythe. Les reines gengiskhanides dans la littérature et le cinéma occidentaux contemporains » "Le nom de Gengis Khan et de ses descendants a été associé pendant longtemps en Occident à la barbarie et l’Apocalypse. En 1867 encore, J. Down appelait « mongoliens » les sujets atteints du syndrome éponyme, qu’il liait à l’impact génétique laissé par les « Tartares » sur les Européens, suite aux viols de leurs femmes pendant les invasions médiévales. Toutefois, un an auparavant, l’Histoire secrète des Mongols venait d’être redécouverte. Cette chronique épique mongole du XIIIe siècle relate les gestes héroïques de Temüjin, à partir de sa jeunesse misérable, en tant qu’orphelin persécuté par les ennemis de son père, jusqu’à son triomphe, sous le nom de Gengis Khan, sur ses adversaires. Les nombreuses traductions de ce texte circulant entre l’Europe et les États-Unis ont conduit les chercheurs à une profonde réévaluation de figure de Gengis Khan. Héros national en Mongolie, le Washington Post l’a d’ailleurs proclamé l’« homme du millénaire », en tant que père du monde moderne et de la mondialisation. Cette revalorisation a également affecté notre vision des reines mongoles, longtemps influencée par les représentations négatives véhiculées par les récits de voyage des missionnaires médiévaux. Ceux-ci les avaient décrites comme des sorcières et des amazones perturbantes, impossibles à distinguer des hommes de leur horde. Au contraire, elles jouissaient d’une liberté inconnue de leurs voisines sédentaires et exerçaient une forte influence sur leurs époux. Sages et résilientes, elles pouvaient prendre part à la guerre, à la politique et au commerce, en ayant parfois la possibilité de choisir si et avec qui se marier. Ce séminaire – donné dans le cadre du projet européen WISE – porte sur la représentation de Gengis Khan et des femmes qui ont contribué à l’essor de son empire dans les réécritures littéraires et les adaptations cinématographiques contemporaines de l’Histoire secrète des Mongols, produites en Europe occidentale et aux États-Unis. Il cherche à comprendre comment l’Occident, à une époque marquée par la décolonisation et les revendications féministes, a redéfini sa relation avec l’altérité culturelle et de genre."   Séance extraordinaire : Mardi 28 mai de 14-16h : Jennifer Purtle (Associate Professor of Chinese and East Asian Art History, Department of Art History University of Toronto) « Ambiguous Ground: Chinese Painting and the Sino-Mongol City » "In the period 1276 to 1279 the Mongols conquered China, founded the Yuan dynasty (1279-1368), and began to rule over a population ethnically and culturally different from themselves. By conceptualizing Mongol rule as an abstract, dematerialized political phenomenon of limited impact in the visual field, Sinocentric histories of the arts of the Yuan dynasty have until recently rendered the Mongolian colonial project in China invisible. From the Ming dynasty (1368-1644), histories of art returned to emphasize traditional Chinese arts and foreground Chinese painting and calligraphy as a medium of resistance to alien rule. As a result, such accounts assume the primacy of Chinese culture in a Mongolian dynasty, and create an historical narrative that supports this view. A conquest is, however, difficult to hide. This paper begins by showing how the impact of Mongolian colonial rule was made manifest visually and visibly on multiple representational grounds throughout the Yuan dynasty. The building of cities, the minting of coins, the making of Sinophone calligraphy and calligraphically-charged ink paintings, and the printing of books (as well as paper money) had long histories in China; correspondingly, these media had virtually no Mongolian histories prior to the consolidation of the Mongol empire in East Asia. Nonetheless, in China under Mongolian rule, the faces of coins, the spaces of printed pages, the picture planes of calligraphies and ink paintings, and even the fabrics of cities – what Chinese of the period would have understood to be the representational fields of indigenous media – served state-sponsored cosmopolitan culture as tools of colonial control. Beyond asserting a Mongolian presence in traditionally Chinese media, the Sino-Mongol state also patronized, directly and indirectly, artistic vocabularies from throughout its conquered lands to propagate itself in forms neither Chinese nor Mongolian. To understand this phenomenon, the body of this paper focuses on materials from and about the city of Quanzhou on the southeast coast of China, a clearinghouse for goods and ideas from throughout the known world described by Marco Polo as “one of the two ports in the world with the biggest flow of merchandise.” By analyzing the urban form of Quanzhou, which was shaped by the cultures to which it had access through its extensive trade networks, this paper aims to recover how the Mongol state eroded the primacy of Chinese cultural forms not by replacing them with Mongolian ones, but by fostering the development of a polyglot, multicultural city. Then, this paper queries how, against the dually ambiguous grounds of language and visual form – that is, during a dynasty that promulgated the universal transcription of all of its languages into a single alphabet thus fracturing established relations of language and script, and in a local context in which state-sponsored cosmopolitan visual forms challenged strategies of interpretation by making it unclear through the lens of which culture(s) and/or language(s) a given object should be viewed – texts and images constructed and transmitted meaning in Chinese-style paintings."   Mardi 4 juin : Laurent Legrain (Université Toulouse Jean Jaurès) « L’impertinence de Bumbayar. Paysage et paroles mélodisées en Mongolie contemporaine » Sur la base du récit de la performance d’un chant qui tourne mal pour son jeune interprète, je propose une double analyse dont les orientations paraîtront au départ relativement disjointes voire irrémédiablement parallèles. En effet, l’une de ces orientations découpe le poème de la chanson pour en comprendre les implications et déboucher sur une notion : le paysage. L’autre relit le récit au prisme de l’idéologie linguistique, concept utilisé par les linguistes et les anthropologues pour souligner les manières suivant lesquelles les locuteurs d’une langue conçoivent le fonctionnement et les effets de la parole dans la vie sociale. Je tenterai d’infléchir ces orientations pour les faire converger. Je vais soutenir que le modelage d’un certain type de paysage, d’un côté, et le bel ordonnancement de la parole, de l’autre, sont deux accomplissements attendus de la figure du chanteur (ou de la chanteuse). Au final, je voudrais aboutir à la proposition suivante : à côté du « chiefly landscape » et du « shamanist landscape » (Humphrey 1995) dont la fécondité heuristique a fait ses preuves dans l’aire mongole, il existe sans doute une autre manière de modeler un paysage. Cette façon de faire est celle du chanteur. Le paysage du chanteur a une portée analytique sans doute moindre que  celle qui affleure de la tension entre chiefly et shamanist landscape mais j'essaierai de montrer son importance et sa prégnance dans la vie sociale mongole. Mercredi 12 juin (séminaire commun avec le Séminaire des études sibériennes » : Ivan Peshkov (Adam Mickiewicz University in Poznan, Poland « Messianic temporality and Border: Eschatological temporality and new ethics of Chinese Russians ».