Séminaire « Sciences sociales et psychanalyse » – « Destins ordinaires de la haine et circulation de la violence en institution d’accueil du jeune enfant »
Destins ordinaires de la haine et circulation de la violence en institution d'accueil du jeune enfant
"Il est devenu presque banal, depuis Freud, Klein et Winnicott, de reconnaître que la haine et la violence font partie de l’attirail pulsionnel du bébé dès son plus jeune âge. Pour autant, introduire la crèche dans un séminaire sur la guerre aura de quoi faire sourire. Tout pantagruélique qu’il soit, le bébé de la psychanalyse ne saurait être un meurtrier et seule une métaphore un peu douteuse pourra faire de l’établissement chargé de l’accueillir un champ de bataille. Mais c’est sans compter sur les adultes, ceux – celles – qui gardiennent ces bébés. Car lorsqu’on les observe travailler, ou mieux, qu’on travaille avec eux, la question de la haine et de la violence se pose avec une insistance nouvelle. C’est en tout cas ce que deux ans d’enquête ethnographique dans des crèches, en France et en Tunisie, nous auront forcé de voir et de penser. La maltraitance ne s’y manifeste en effet jamais comme un fait « divers », un accident ou un évènement fortuit. Qu’elle soit insidieuse ou flagrante, elle apparaît plutôt comme une toile de fond, un canevas sur lequel se dessine cette dimension « concentrationnaire » de toute institution de soin, jadis mise en lumière par la psychothérapie institutionnelle. Dans le cas de la crèche, elle correspond, nous semble-t-il, à un désir insidieux non pas tant de meurtre d’enfant, mais plutôt d’avoir à traiter avec des enfants morts.
La question se pose de savoir s’il existe une tendance récurrente dans la psychanalyse, la psychiatrie et les sciences sociales à attribuer la violence des enfants aux violences qu'ils subissent de la part de leur parents ou des adultes."
Intervenants : Paul Luciani, doctorant contractuel en anthropologie (IDEAS-CNRS/Aix Marseille Université) et Gilbert Diatkine (membre honoraire de la Société Psychanalytique de Paris)