Patrick Cabanel : « Dora Rivière (1895-1983). Une médecin déportée à Ravensbrück » et « Mireille Philip, Passeuse de frontières »

Patrick Cabanel a publié deux ouvrages aux thématiques similaires, car consacrés à deux femmes protestantes, entrées en résistance lors de la seconde guerre mondiale et désignées Justes parmi les nations une fois la guerre terminée. L'ouvrage Dora Rivière (1895-1983). Une médecin déportée à Ravensbrück, d'abord, est paru aux éditions Dolmazon. L'historien y retrace la vie de la femme médecin, résistante, reconnue Juste parmi les Nations en 2011, et qui a poursuivit son action humaniste une fois la guerre finie. Le livre, premier consacré à cette grande figure française du XXe siècle, est préfacé par Beate Klarsfeld.

extrait

"Dora Riviere entre rapidement en résistance. La chronologie de ses années 1940-1943 peut être organisée en trois temps, du reste classiques. Le premier est celui du mouvement Combat et, en outre, des Cahiers du Témoignage chrétien, dans une géographie qui est celle de l’axe urbain et catholique Saint-Etienne-Lyon. Le deuxième est celui de l’aide aux juifs, notamment mais pas exclusivement les enfants, cible majeure du gouvernement de Vichy puis des autorités d’occupation au cours de l’année 1942 : la résistance est ici civile, avec une triple dimension confessionnelle, œcuménique et spirituelle. Enfin, en 1943, après l’occupation de la zone sud, et face à la mise en place du STO et à l’intensification de la répression, Dora s’engage de plus en plus dans une résistance active, qui allait la mener à l’arrestation. Elle agit tout d’abord dans le milieu stéphanois : ce n’est encore le temps ni du plateau du Chambon, ni de l’aide aux juifs, mais des efforts d’organisation de celles et ceux qui ne veulent accepter ni la défaite ni l’usage qu’entend en faire le régime de Vichy. Elle rejoint Combat, dirigé par le Lyonnais Henri Frenay dont la compagne, jusqu’à son arrestation et sa mort par suicide le 31 mai 1943, est Berty Albrecht. La jeune Violette Maurice (1919-2008), à laquelle René Gentgen rend un hommage appuyé dans son livre sur la résistance civile dans la Loire, lui remet pour distribution les journaux clandestins Combat, 93, Franc-Tireur; cette jeune femme évolue au sein d’un petit groupe stéphanois qui a fondé le groupe et le journal 93 : Dora Rivière collecte des fonds en sa faveur . Pour les Cahiers du Témoignage chrétien, c’est Marguerite Gonon, de Feurs (Loire), qui a témoigné que sa distribution atteignait divers milieux, dont cette protestante. Le frère de Dora, Henri, s’est engagé également très tôt, avec l’appréciable force de frappe de ses camions : ils ont contribué à la dispersion de matériel militaire, d’armes et de munitions de l’armée française dans des usines et dépôts de Saint-Étienne et sa région, y compris peut-être chez le comte de Neufbourg, à Arthun, dans le Forez; des armes sont entreposées dans la « chambre verte », au-dessus des quais de déchargement des Fourgons stéphanois. Pour pseudonyme, Dora a choisi celui, transparent à nos yeux, de «Monsieur Lignon» - le masculin est une précaution supplémentaire. Elle a loué, pour elle et ses enfants, une maison au Chambon-sur-Lignon, à quelques pas de la gare, actuelle montée du Chant de l’âme (peut-on trouver plus belle adresse ?), et cela allait être un pied-à-terre précieux, comme pour tant d’autres : ce lien entre la grande ville et la réserve et le refuge qu’offre la montagne, en termes d’espace, de ressources alimentaires, de liberté, de clandestinité..." ------------------------------------- L'ouvrage Mireille Philip. Passeuse de frontières ensuite, aux éditions Ampelos et consacrée comme son titre l'indique à Mireille Philip, dont l'action pendant et après guerre est un exemple pour chacun. Exemple qu'on aura pour la première fois l'occasion de connaître, cet ouvrage étant le premier consacré à cette grande dame.

Extrait

"Mireille Cooreman a grandi dans un milieu très religieux, avec un père pasteur. Étudiante, elle épouse un jeune professeur de droit, André Philip, qui deviendra député du Front Populaire puis ministre sous la IVe République. Mais dans l’été 1942, recherché par Vichy, il rejoint de Gaulle à Londres. Restée seule au Chambon-sur-Lignon, Mireille Philip donne toute sa mesure de rebelle tranquille : elle aide une série de juifs à passer clandestinement en Suisse, grâce aux contacts qu’elle a noués sur la frontière avec des prêtres et des couvents. Elle transporte pour la Cimade des listes secrètes de juifs à sauver ; puis elle entre au service de la Résistance classique. A la fin des années 1950, elle milite en faveur de l’indépendance de l’Algérie avec sa fille et son gendre Francis Jeanson. Elle n’a jamais voulu évoquer ses années de guerre ; ce livre est le premier à mener l’enquête sur cette femme qui aura transgressé les frontières."