Atelier Eurasie centrale – mardi 9 mai 2023
Nous écouterons :
Mukaddas MIJIT (EASt, Université libre de Bruxelles)
sur le thème
Meshrep : faire vivre la culture ouïghoure à travers les banquets conviviaux
Chez les Ouïghours, dans la région autonome comme en diaspora, fêtes et rituels jouent un rôle prépondérant dans la transmission du savoir et des valeurs traditionnelles. D’une part, ces rassemblements permettent le développement d’un sentiment d’appartenance à une communauté tout en faisant vivre les coutumes traditionnelles. Ce sont aussi des moments de sociabilité où chacun, tout au long de sa vie, peut s’imprégner des codes et des règles fondamentales de la société. Le divertissement en est aussi une fonction importante, assurée par la musique et la danse. Pour cette communication, parmi toutes les formes de rassemblement ritualisées chez les Ouïghours, nous nous intéresserons à celle que l’on nomme meshrep.
Au-delà des aspects socio-culturels et identitaires, le meshrep intègre une phase entièrement dédiée à la représentation artistique et théâtrale, avec une « scène » laissée à celles et ceux désirant partager leurs pratiques artistiques (During, 2011 ; Mijit, 2015 ; Harris 2016). On y retrouve également des moments d’audition poétique qui servent à transmettre les épopées et dastan centrasiatiques (récits initiatiques centrés sur une grande figure spirituelle). Ces moments spéciaux sont par ailleurs extrêmement ritualisés ; ils se déroulent sous la supervision d’un groupe de maîtres de cérémonie et peuvent prendre la forme d’un jury populaire. Le meshrep est donc une réunion festive autour d’un repas, où l’on se retrouve pour discuter, écouter de la musique, danser ensemble et, plus encore, perpétuer une tradition ancestrale en maintenant la mémoire de la communauté. La séance abordera également la manière dont la pratique du meshrep a évolué ces dernières décennies, s'adaptant à des situations politiques et géographiques nouvelles.
La séance sera accompagnée de la projection du film documentaire de Mukaddas Mijit, The Thirty Boys (UK & Qazaqstan, 65’)
Les communautés ouïghoures du Qazaqstan occupent un espace difficile, un œil sur le nationalisme ethnique croissant de leur pays d'accueil, un œil sur les politiques chinoises en cours de sécurisation, d'incarcération et d'effacement culturel dans leur pays d'origine. Ce film documente les tentatives faites par les Ouïghours pour faire revivre au Qazaqstan les rassemblements traditionnels de meshrep comme moyen de maintenir leur langue et leur culture, et de renforcer leurs communautés. Évènements chaleureux et conviviaux impliquant partage de mets et de plaisanteries, musique et danse, les meshrep tissent des liens durables entre des groupes d’hommes appelés « Trente Gars ». Le film montre le potentiel de mobilisation populaire du patrimoine, pour fournir un forum de négociation des tensions autour de l'identité et de la religion, ainsi qu’un espace d'action collective.
Avec tous nos remerciements pour votre aimable intérêt, et nos cordiales salutations,
Lili Di Puppo, Stéphane Dudoignon, Léo Maillet