16 mai 2018 – Atelier CEMS/GSRL : « Les Maîtres de la psalmodie. Chamanisme scriptural chez les Yo-Sani du Yunnan »
Le prochain Atelier C.E.M.S / G.S.R.L organisé par Isabelle Charleux et Virginie Vaté se tiendra le mercredi 16 mai 2018 au Centre des Études Mongoles et Sibériennes (54, boulevard Raspail, salle P1-01/B1-10, 1er étage) de 14 à 16h.
Aurélie Névot (CNRS, Centre Chine Corée Japon) interviendra sur :
« Les Maîtres de la psalmodie. Chamanisme scriptural chez les Yi-Sani du Yunnan »
Résumé : « Maîtres de la psalmodie », bimo, telle est l’appellation donnée aux spécialistes religieux des Yi-Sani du district autonome de la Forêt de pierre (Yunnan). Les manuscrits qu’ils utilisent pour communiquer avec les divinités locales, et qu’ils lisent en chantant, sont composés de feuillets recouverts d’écritures différentes de l’écriture chinoise. Par leurs psalmodies proférées lors de rites domestiques ou communautaires, ils disent voyager dans le cosmos, traverser des forêts, arpenter des montagnes, tournoyer à leurs sommets, chevaucher des destriers. En investissant ces lieux par la mise en voix de leurs textes, ils accomplissent les actes rituels indispensables au bien-être des Yi-Sani.
Avant l’unification scripturaire promue par le gouvernement chinois dès les années 1980, et de façon beaucoup plus soutenue à partir des années 2000, ces bimo avaient pour particularité de ne pas partager entièrement la même écriture. En effet, si les corpus chamaniques des lignages bimo de la Forêt de pierre étaient relativement proches dans leurs contenus et composés de caractères d’écriture en grande majorité identiques, des variantes graphiques existaient selon leur appartenance lignagère : la transmission textuelle étant liée au sang qui traverse les générations de spécialistes religieux de même lignage (patrilinéaire), la graphie prêtée au mot « écriture » était dans ce cas précis identique à celle donnée au terme « sang », et la graphie associée à ce terme « écriture-sang », se, différait d’un lignage d’initiés à l’autre. Un bimo en héritait sous l’effet de ce que l’on pourrait assimiler à une incorporation, par la copie des textes de son maître (ceux de son père, voire de son grand-père).
La mise en regard des perspectives lignagères, pour lesquelles l’hétérogénéité scripturale prévaut/valait et la relation maître-disciple reposait sur une transmission substantielle, avec la perspective d’État, laquelle donne au contraire la primauté à l’unification scripturale des bimo de la Forêt de pierre, transcende le binôme maître-disciple et promeut la remise d’un diplôme bimo par le Bureau des religions, sera au cœur de cet exposé.